A Juan Carlos ESTEBAN
e 26 Novembre 1936, au Consulat de France à Buenos Aires, Marc PELLETERAT de BORDE, Consul chargé de la Chancellerie du Consulat de France et Berthe GARDES apposaient leur signature au bas d’un document qui attestait officiellement la filiation de Berthe GARDES avec son fils "Charles Romuald GARDES dit Carlos GARDEL".
Document d’habilitation de Berthe GARDES par le Consulat de France - Page 1 |
Ce document, à l’entête du Consulat de France, déclare que Berthe GARDES est la mère légitime de Carlos GARDEL, et lui accorde les droits juridiques qui lui permettront de recueillir la succession de son fils unique décédé le 24 juin 1935 à Medellín (Colombie).
Il est rédigé ainsi :
Par devant Nous, soussigné, Marc PELLETERAT de BORDE, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre, Consul chargé de la Chancellerie du Consulat de France à Buenos Aires (République Argentine)
Mademoiselle GARDES Marie Berthe, sans profession, demeurant à Buenos Aires (République Argentine), rue Jean Jaurès N°135* _______________
"Mademoiselle GARDES habile à se dire et porter (terme juridique signifiant : a la capacité, est reconnue) seule héritière selon la loi et légataire universelle suivant le testament ci-joint daté de Buenos Aires, le sept Novembre 1933, dûment légalisé._________________________________
de Monsieur Charles Romuald GARDES, dit Carlos GARDEL, son fils naturel, reconnu par elle le vingt-deux Décembre mil huit cent quatre-vingt-dix ainsi qu’en fait foi le document ci-joint délivré par la Mairie de Toulouse, en son vivant musicien, demeurant à Buenos Aires (République Argentine) rue Jean Jaurès N°135*, décédé à Medellín (Colombie) le vingt quatre Juin mil neuf cent trente-cinq ". _____________________________________
Laquelle a, par ces présentes constitué pour son mandataire : Monsieur Victor Joseph Edmond Leroy, commis d’agent de change, 50 rue Saint Laurent à Legny.
A l’effet de recueillir la succession de Monsieur Charles Romuald GARDES, dit Carlos GARDEL, sus nommé________________ etc…….
* Remarquez "135" au lieu de "735"
A C O M P A R U :
Mademoiselle GARDES Marie Berthe, sans profession, demeurant à Buenos Aires (République Argentine), rue Jean Jaurès N°135* _______________
"Mademoiselle GARDES habile à se dire et porter (terme juridique signifiant : a la capacité, est reconnue) seule héritière selon la loi et légataire universelle suivant le testament ci-joint daté de Buenos Aires, le sept Novembre 1933, dûment légalisé._________________________________
de Monsieur Charles Romuald GARDES, dit Carlos GARDEL, son fils naturel, reconnu par elle le vingt-deux Décembre mil huit cent quatre-vingt-dix ainsi qu’en fait foi le document ci-joint délivré par la Mairie de Toulouse, en son vivant musicien, demeurant à Buenos Aires (République Argentine) rue Jean Jaurès N°135*, décédé à Medellín (Colombie) le vingt quatre Juin mil neuf cent trente-cinq ". _____________________________________
Laquelle a, par ces présentes constitué pour son mandataire : Monsieur Victor Joseph Edmond Leroy, commis d’agent de change, 50 rue Saint Laurent à Legny.
A l’effet de recueillir la succession de Monsieur Charles Romuald GARDES, dit Carlos GARDEL, sus nommé________________ etc…….
* Remarquez "135" au lieu de "735"
Les signatures de Berthe GARDES et du Consul de France terminent ce document dont ses pages ont été paraphées par les initiales B.G. pour Berthe GARDES.
Habilitation de Berthe GARDES - page avec les initiales et signature de Berthe GARDES, tampons du Consulat de France et signature du Consul chargé de la Chancellerie. |
Dans son contenu, ce document énumère la liste de tous les droits auxquels peut prétendre Marie Berthe GARDES dans la succession de son fils. Il donne aussi le nom de la personne chargée de gérer cette succession.
Ce document établi par un Consulat de France constitue la reconnaissance par le le Quai d’Orsay (nom du Ministère français des Affaires Étrangères) que Carlos GARDEL, décédé à Medellín le 24 juin 1935, est le fils légitime de Berthe GARDES, et que son véritable nom est Charles Romuald GARDES.
Le Consul Marc PELLETERAT de BORDE (1886-1967) faisait partie d’une famille de la noblesse française. A Buenos Aires, il occupait un poste important. Il avait en charge la Chancellerie, c’est à dire « l’État Major » de l’Ambassade constitué par les conseillers, les secrétaires et les attachés militaires et commerciaux. Il avait le titre d’Officier de l’État Civil, et était compétant pour traiter le cas de la filiation de Berthe GARDES.
Dans ses attributions, le Consul de France pouvait rédiger des actes d’État Civil français qui étaient ensuite transcrits en France. Dans certains cas, comme par exemple dans les colonies françaises, il pouvait célébrer des mariages civils.
Pour cette raison, Marc PELLETERAT de BORDE utilise dans ce document le terme "Nous" au lieu de "moi". En s’exprimant à la première personne du pluriel, il agit au nom et en tant que représentant du Consulat de France.
Pour délivrer ce document d’habilitation, le Consulat de France a demandé à la Mairie de Toulouse l’acte de reconnaissance de Charles Romuald GARDES par sa mère. Selon la loi, Charles Romuald GARDES, né de père inconnu, est un enfant « naturel », c’est à dire né hors mariage. Il ne peut prétendre à aucun héritage s’il n’a pas été reconnu par sa mère.
Le 22 Décembre 1890, Berthe GARDES, reconnaît au bureau de l’État civil de Toulouse, qu’elle est la mère de Charles Romuald GARDES. Elle établit une filiation qui accorde à son enfant des droits d’héritage. Ainsi, son fils pourra hériter des biens de sa mère lorsqu’elle décédera, et à l’inverse, la mère pourra hériter des biens de son fils si celui ci décède avant elle.
Acte de reconnaissance de Charles Romuald GARDES (@ Archives Municipales de Toulouse) |
Énoncé de l’acte de reconnaissance :
Du vingt deuxième jour du mois de décembre l’an mil huit cent quatre-vingt-dix, à quatre heures du soir, par devant nous, soussigné, adjoint au Maire de Toulouse, Officier public de l’État civil délégué par lui, a comparu Marie Berthe GARDES, lisseuse, née à Toulouse le quatorze juin mil huit cent soixante cinq y domiciliée rue du Canon d’Arcole 4, laquelle nous a déclaré formellement et conformément à la loi reconnaître pour son fils naturel Charles Romuald GARDES, né à Toulouse le onze décembre mil huit cent quatre-vingt-dix, inscrit à l’État civil le même jour, fils de père inconnu et de Berthe GARDES. Témoins domiciliés à Toulouse : Charles ESPINASSE, âgé de vingt-quatre ans, rue Ingres,8 et Henri LAURENS, âgé de quarante ans, rue de Toul,12, non parents, lecture préalablement faite à la comparante et aux témoins qui ont signé avec nous.
Le Maire
Signatures : GARDES, ESPINASSE, Henri LAURENS et illisible.
Cet acte de reconnaissance fait référence à l’acte de naissance de Charles Romuald GARDES sur lequel on a porté, en marge du document, la mention de la reconnaissance de l’enfant par sa mère :
Acte de naissance de Charles Romuald GARDES (@ Archives Municipales de Toulouse) |
On lit dans la marge la mention suivante :
Nota . Par acte passé devant nous à Toulouse, le 22 décembre 1890, Marie Berthe GARDES a reconnu pour fils naturel le sus dit.
Toulouse, le 22 décembre 1890
Le Maire.
Journal Officiel Ordonnance N°45-509 du 29/03/45 |
En France, l’obligation d’indiquer le décès d’une personne en marge de son acte de naissance a été rendue obligatoire par l’ordonnance n° 45-509 du 29 mars 1945, signée par le Général de GAULLE, alors président du Gouvernement provisoire de la République Française. Cette ordonnance a été publiée le lendemain au Journal Officiel de la République Française.
Cette ordonnance a été promulguée durant la deuxième guerre mondiale et dans son texte on précise que c’est "pour mettre fin à de nombreux abus, notamment en matière d’usurpation d’ état civil ou de fausses cartes de ravitaillement".
Cela revient à dire que le seul document retenu par la France pour s’assurer de la vérité sur l’origine d’une personne est son acte de naissance dûment enregistré dans un registre d’État Civil.
Ceci est la réponse claire et définitive à la question posée.
Dans un contexte plus général, pour avoir une réponse dans le cas où le décès surviendrait après 1945, (ce qui n'était pas le cas de Carlos GARDEL), nous avons contacté le Consulat de France de Bogotá, pays où Carlos GARDEL a trouvé la mort.
Voici la réponse qui nous a été donnée le vendredi 27 février 2004 :
A la lecture de cette réponse précise de l’Ambassade de France à Bogotà, on peut en déduire que si cette ordonnance de 1945 avait été promulguée 10 ans plus tôt, et donc aurait été en vigueur en 1935, elle ne pouvait pas être appliquée dans le cas d’un citoyen de la République Argentine.
Voici l’intégralité du document rédigé par la Chancellerie du Consulat de France à Buenos Aires le 26 novembre 1936, et qui reconnaît Berthe GARDES comme seule héritière et légataire universelle de son défunt fils « Charles Romuald GARDES dit Carlos GARDEL ».
Nota : Suite à un problème technique, une page du document ne nous est pas parvenue. Cependant nous tenons à adresser nos chaleureux remerciements à son expéditeur
Georges GALOPA
Toulouse (France), le 8 mai 2020