partir de 1923, Carlos GARDEL séjourna en France à plusieurs reprises
pour honorer ses engagements artistiques, et il mit à profit ses visites pour
nouer des liens étroits avec sa famille toulousaine. Par la suite, il voulut
faire la connaissance de sa famille albigeoise, issue du côté maternel de sa
mère : Berthe GARDES. Dans ce but, il
fit une visite à ALBI, située à 80 kilomètres au nord-est de TOULOUSE, le 18
septembre 1934.
La première référence connue date de 1932, lorsque GARDEL écrivit à
DEFINO, son fondé de pouvoir : " ...avant d'embarquer, je ferai un saut
à TOULOUSE. J 'informerai mon oncle Jean de prévenir la dame d' ALBI pour
passer un jour avec eux... "
Lettre
de Carlos GARDEL mentionnant ce passage (encadré en rouge).
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Cette dame d' ALBI s'appelait Marie ARAGOU, plus connue sous le nom deMARISSOU selon les témoignages et les documents retrouvés. C'était une cousine
germaine de Berthe GARDES qui fut par la suite souvent citée dans la
correspondance de Carlos GARDEL.
Armando DEFINO rapporte dans son livre "Carlos GARDEL, la verdad
de una vida" que GARDEL connût MARISSOU en décembre 1933. Puis GARDEL et
MARISSOU se rencontrèrent à nouveau quelques mois plus tard :
Le 25 août 1934, le chanteur embarqua à NEW-YORK en direction de la
FRANCE. Il visita PARIS, NICE, TOULOUSE d'où il fit un voyage éclair à ALBI. Sa
mère Berthe GARDES se réfère à cet épisode dans une lettre envoyée à Armando
DEFINO le 20 septembre 1934 :
" Le 18, nous sommes allés
à ALBI pour rendre visite à MARISSOU et présenter Carlos à son fils et à d'autres membres de la
famille comme cela avait été promis. Vous devez vous en rappeler. Mais comme
c'est près de TOULOUSE, en une après midi nous avons fait l'aller-retour. Ils
étaient fous de joie, mais ils furent peinés parce qu'ils voulaient tous qu'il
passe quelques jours sur place. Pour Carlos cela aurait été trop, il ne voulut
pas, il leur promit que quand il reviendrait en mai prochain, il aurait
davantage de temps que maintenant"
Extrait de la lettre de Berthe GARDES à Armando DEFINO |
En fait, il ne s'agissait pas seulement d'une simple visite de
courtoisie, car GARDEL avait des projets pour ses parents français et tout particulièrement
celui concernant l'achat d'une maison à NICE pour s'y installer avec sa mère.
De cette journée mémorable nous sont parvenues des photos
retrouvées dans les affaires de Berthe GARDES. On possède aussi le témoignage
d’Élise RAMIÈRES, la belle fille de MARISSOU, ainsi qu' une trace écrite de
GARDEL dans une lettre envoyée depuis NEW YORK le 13 février 1935 où il évoque
" la tante du magasin de parapluies" qui s'appelait Emma CAMARÈS et qui était une cousine par alliance de
MARISSOU.
Ces photos ainsi que les vagues
informations de Berthe GARDES concernant "d'autres membres de la
famille" ont motivé cette recherche pour identifier les trois autres
personnes photographiées en compagnie de Carlos GARDEL.
1 / Le
témoignage d' Élise RAMIÈRES
Interviewée dans sa maison de CAHUZAC sur VÈRE, Élise
Albertine VIEULES, épouse de Louis RAMIÈRES et belle fille de MARISSOU, déclara
en 1975 au journaliste argentin Eduardo San Pedro, à propos de GARDEL : "Je
l'ai connu six mois avant sa mort, à ALBI, à 23 km d'ici. Je vivais à cet
endroit et il vint me rendre visite. Mon mari était chauffeur de camions, et il
est allé tout spécialement ce jour dans les bois pour chercher des champignons.
Imaginez vous, nous voulions donner à Carlos quelque chose de bon. Cette nuit
nous fûmes heureux car les champignons et le gruyère lui plurent beaucoup.
Tellement, que malgré qu'il fasse attention à sa ligne (car il avait tendance à
prendre du poids), il mangea abondamment.... je lui demandais pourquoi, il ne
se mariait pas. Il me regarda, fit un large sourire et me dit :
-Vous
savez, Élise, pour moi, c'est quasiment impossible. Avec la vie que je mène je
devrais laisser très souvent ma femme seule. Je ne veux pas que ma femme en souffre.
On ne doit pas laisser une femme seule.
Je lui dis alors :
-
Ce qui se passe, c'est que vous devez en avoir beaucoup, Carlos.
Et cela lui causa beaucoup de plaisir...
cette nuit il chanta pour nous. Ce fut un immense cadeau. Une fois, on m'a
raconté, que des gens disaient que Carlos n'était pas l'enfant de Berthe. C'est
ridicule! Elle voulait toujours qu'il chante depuis l'enfance. Berthe m'a
raconté qu'à BUENOS AIRES, il chantait pendant qu'elle travaillait.
Élise RAMIÈRES en 1975 (Photo :
« Pepe » Fernández, Revue "Gente")
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2/ Recherches Généalogiques
MARISSOU et Berthe GARDES étaient cousines germaines.
C'est pour cette raison que nous avons pris comme point de départ des
recherches généalogiques leur grand père maternel : Mathieu CAMARÈS, né à ALBI
en 1803, et qui par son mariage avec sa première épouse Hélène Cunégonde BARSAC
est à l'origine de trois branches familiales issues de trois de ses enfants :
Jules Barthélemy, Rose Hélène Cunégonde et Hélène Jeanne.
Selon le synoptique ci-dessus, des 4 enfants de Mathieu
CAMARÈS, l' aîné : Joseph Barthélemy vécut à peine 12 jours, le deuxième, Jules
Barthélemy, eut six enfants de ses deux épouses et est à l'origine de la
branche familiale CAMARÈS. Rose Hélène Cunégonde, troisième enfant de Mathieu
CAMARÈS épousa Joseph François ARAGOU. Ils eurent 3 enfants (dont MARISSOU),
qui constituèrent de la branche familiale ARAGOU. Enfin, la fille cadette,
Hélène Jeanne, épousa Vital GARDES puis Louis CARICHOU pour fonder la branche
GARDES /CARICHOU. A la différence de son frère aîné et de sa sœur, Hélène
Jeanne CAMARÈS quitta ALBI et s'installa à TOULOUSE à la suite de son mariage
avec Vital GARDES.
Parmi les trois personnes non
identifiées sur les photos de Carlos GARDEL à ALBI, celle qui semble la plus
facile à retrouver est le petit enfant qui pose avec une jeune femme qui
pourrait être sa mère. Nous avons donc examiné la descendance complète de
Mathieu CAMARÈS jusqu'en 1933 pour voir si une naissance pouvait correspondre.
A/ Étude de la Branche CAMARÈS
(issue de Jules Barthélemy CAMARÈS) :
Des 6 frères et sœurs appartenant à cette branche, deux ne
vécurent que quelques mois : Marie Hélène , née en 1857 et Rose Léonie, née en
1870. Marie Hélène Cunégonde CAMARÈS
resta célibataire et décéda à ALBI en 1949.
Seuls trois garçons se marièrent : Henri, né en 1859,
Émile Albert, né en 1867, et Camille Léon, né en 1880. Leur descendance est
présentée au synoptique suivant :
Émile Albert, eut deux filles de son mariage avec Marie
Louise POUARD. La fille aînée, Marie Hélène Apolline Henriette épousa Jean
Michel GENDRAUD. Ce couple eut une fille, Renée Michèle, qui naquit le 15
janvier 1927. C'est le seul enfant appartenant à cette branche familiale qui
soit répertorié dans le registre des naissances de l' État civil d' ALBI. En
effet, on ne relève aucune naissance PELTIER dans la période 1917 à 1942, ni
aucune naissance CAMARÈS dans la période 1933-1942 sur les tables décennales de
l’État civil d' ALBI. Ceci indique qu 'aucun autre couple appartenant à
cette branche familiale n'a eu d'enfant né à ALBI.
Nota : Dans
l'article consacré à "GARDEL et la 'tante du magasin de parapluies", l'épouse d' Henri
CAMARÈS : Antoinette Eugénie PONS, dont le prénom d'usage était
"Emma" n'avait pas eu d'enfant, mais avait adopté Solange BARTHE. De
son mariage avec Fernand PAILLASSE, Solange BARTHE avait donné le jour à une
fille, Nelly Homère Edmée, née en 1922 que nous devons inclure dans
cette recherche de personnes.
Cependant les deux "naissances
albigeoises" de cette branche familiale qui se sont produites en 1927 et
1922 ne peuvent être retenues pour identifier le jeune garçon sur cette photo
de 1934, car l'âge de cet enfant ne semble pas dépasser 2 ans.
B/ Étude de la BRANCHE ARAGOU (issue de Joseph François ARAGOU)
De son mariage avec Rose Hélène Cunégonde CAMARÈS, Joseph François ARAGOU eut trois enfants : Albert Joseph Mathieu, né en 1857, Alodie Rose Hélène Marie (dite MARISSOU), née en 1862 et Joseph Camille Fernand, né en 1871.
La descendance de Joseph François ARAGOU est représentée par le synoptique suivant :
1 : Albert
Joseph Mathieu ARAGOU, le fils aîné part s'installer à PARIS en 1882 où il
devient maître d'hôtel. Il se marie deux années plus tard avec Adèle GÉRAUD qui
lui donnera deux enfants : Albert Jean Benoît et Isabelle Henriette Rose. Puis
la famille s'installe à VICHY, ville thermale très appréciée où elle devient
propriétaire de l'Hôtel de la Néva. Elle résidera définitivement dans cette ville
et ne reviendra plus à ALBI.
2 : MARISSOU reste à ALBI pour diriger le commerce familial à la mort de son père. Elle épouse Eugène RAMIÈRES en 1897, et l'année
suivante naît Louis RAMIÈRES, leur fils unique, qui épousera en 1920 Élise
Marie Albertine VIEULES. Ce couple n'aura pas d'enfant.
3: Comme son frère
aîné, Joseph Camille Fernand ARAGOU quitte Albi et le commerce familial
pour tenter sa chance à PARIS. En 1899, il épouse Jeanne Augustine Joséphine
PERES, originaire d' ALBI comme lui. En
1904 naît leur unique enfant, Isabelle Marie Jeanne. La famille revient à ALBI
vers 1911, achète un terrain et bâtit une maison située "Petit chemin des
Planques" comme l'indique le recensement d'Albi de 1921, représenté
ci-après.
Recensement d'
ALBI 1921- Famille de Camille ARAGOU - Petit Chemin des Planques N°1 |
1 ARAGOU
Camille 1871 ALBI Chef
Comptable société Chain
2 ARAGOU
Jeanne 1875 ALBI
épouse
3 ARAGOU Isabelle
1904 PARIS
fille
Le 12 décembre 1923, Isabelle Marie Jeanne ARAGOU
épouse Raoul Émile Louis VENTENAC. Le jeune couple vient vivre au domicile des
parents de la mariée.
Le 4 mars 1927, Joseph Camille Fernand ARAGOU
décède et son gendre Raoul VENTENAC devient chef de famille comme l'indique le
recensement d' ALBI de 1931.
Recensement d' ALBI 1931- Famille de Raoul VENTENAC - Petit Chemin des Planques N°1 |
1 VENTENAC Raoul 1901
Cherbourg Chef Représentant de commerce
2 ARAGOU Isabelle
1904 Paris Épouse Épicière
3
Veuve ARAGOU Jeanne 1875
Paris Belle mère Sans profession
Nota : le
18 septembre 1934, André VENTENAC était âgé de 15 mois et 3 semaines, ce qui
peut correspondre à l'âge de l'enfant présent sur la photo.
C/ Étude
de la Branche GARDES/CARICHOU (issue de Hélène Jeanne
CAMARÈS) :
Marie Berthe
GARDES et son fils Carlos GARDEL appartiennent à cette troisième branche
familiale, issue du mariage d' Hélène Jeanne CAMARÈS avec Vital GARDES, comme
l'indique le synoptique de la branche GARDES/CARICHOU présenté ci-après.
Jean Marie
GARDES, oncle de Carlos GARDEL, épousa Eugénie Clémentine ROBIN à SAUMUR le 12
juillet 1892. Le couple vécut à PARIS où naquit leur fille Jeanne Eugénie
Yvonne GARDES le 5 décembre 1894. Cinq jours plus tard, la mère décédait à
l'hôpital NECKER et Jean Marie GARDES se retrouvait veuf avec son nouveau né.
On ne sait pas ce qu'il est advenu de cet enfant.
Acte de
Mariage Jean Marie GARDES - Eugénie Clémentine ROBIN
|
Acte de naissance Jeanne Eugénie Yvonne GARDES |
Quatre ans plus tard, Jean Marie GARDES épousait en secondes noces Charlotte LAURENCE à Saint MANDÉ, une commune proche de PARIS. Le couple n'a pas eu de descendance.
Le 2 décembre
1867, Hélène Jeanne CAMARÈS et Vital GARDES sont séparés par décision du
tribunal de grande instance de TOULOUSE. Hélène Jeanne CAMARÉS rencontre Louis
Alphonse Julien CARICHOU, et de leur union adultère naît à TOULOUSE, le 26 juin
1873 une petite fille, Blanche Hélène CARICHOU.
Acte de naissance de Blanche Hélène CARICHOU |
En 1873, le
divorce n'était pas autorisé en France, et sur l'acte de naissance, le nom de
la mère n'a pas été dévoilé par le père, à cause du risque de condamnation pour adultère. Pour cette raison le couple
partit pour BORDEAUX, et ensuite au Venezuela où naquit leur deuxième enfant, Carlos CARICHOU. On ne
sait pas non plus ce qu'il est advenu de Blanche Hélène CARICHOU, car elle
n'est pas mentionnée sur les passeports pour le Venezuela de Louis CARICHOU et
d'Hélène Jeanne CAMARÈS établis en janvier 1875.
Carlos CARICHOU naquit le 11 février 1876 à
PUERTO CABELLO au Venezuela. Le 16 novembre 1911, il épousa à ALBI Reine Paule
Marie Rose Cécile LOUBIÈRES. Le couple s'installa à TOULOUSE, 28 rue de
marchands et n'eut pas d'enfant. Après la mort de Carlos CARICHOU à la guerre
de 1914-1918, son épouse se remaria avec Joseph BAU, et habita à TOULOUSE,
toujours à la même adresse jusqu'au décès de Rose LOUBIÈRES, survenu le 17 mars
1968.
En résumé,
des 3 branches familiales issues de Mathieu CAMARÈS, nous n'avons trouvé qu'un
seul enfant qui pourrait correspondre à celui de la photo : André VENTENAC, né à ALBI le 25 mai
1933.
Identification des Personnes Présentes sur les Photos d'Albi
Desource médicale, un petit garçon de 15 mois mesure en moyenne 78 centimètres et
pèse 10 kg.
Sur la photo
montrant les personnes debout, le petit enfant atteint l'entrejambe du pantalon
de Carlos GARDEL, ce qui correspond à une hauteur d'environ 78 cm.
D'après les
recherches généalogiques de la descendance de Mathieu CAMARÈS, ce petit enfant
pourrait donc être André VENTENAC,
la jeune femme qui le tient par la main serait sa mère :Isabelle
ARAGOU et la personne plus âgée
derrière Isabelle ARAGOU serait la mère de cette dernière : JeanneAugustine
Joséphine PÉRÈS.
En 1934, ces trois personnes vivaient sous le même toit dans la maison
construite par le frère de MARISSOU : Joseph Camille Fernand ARAGOU et
située Petit Chemin des Planques à ALBI.
Joseph
Camille Fernand ARAGOU étant décédé en 1927, Jeanne Augustine Joséphine PERES est sa veuve, et c’est aussi la belle sœur de MARISSOU.
Isabelle ARAGOU, fille de Joseph Camille
Fernand ARAGOU est une nièce de MARISSOU.
André VENTENAC, fils d’Isabelle ARAGOU, est un
petit neuveu de MARISSOU.
Sur
la photo montrant les mêmes personnes assises, on voit qu'il y a une chaise
vide derrière Carlos GARDEL, c'est probablement celle occupée par l'auteur de
la photographie qui serait Raoul
Louis Émile VENTENAC, le père de l'enfant. Dans le recensement d' ALBI
de 1931, présenté en pages précédentes de cet article, il exerce la profession de représentant de commerce et
son épouse est épicière.
L'Annuaire du
TARN de 1931-1932 indique que "Louis VENTENAC" possède un magasin
d'alimentation situé rue de la Visitation à ALBI, qui est vraisemblablement
tenu par son épouse Isabelle.
Un élément
supplémentaire confirme notre hypothèse : Jean Marie GARDES habitait à PARIS en
même temps que son cousin Joseph Camille Fernand ARAGOU et son épouse Jeanne
Augustine Joséphine PÉRÈS. Ces derniers se marièrent dans la capitale française
en 1899, et il est fort probable que Jean Marie GARDES ait été invité à leur
mariage. A cette époque, Jean Marie GARDES habitait 148 rue Lecourbe et son
cousin rue de la Smala, N° 6 (aujourd'hui rue Béatrix-Dussane), à peu de
distance l'un de l'autre.
Ainsi, en
venant à ALBI, Jean Marie GARDES, accompagné de son épouse Charlotte, aurait
aussi rendu visite à la veuve de son cousin Camille qu'il connaissait depuis 35
ans.